[INTERVIEW] Tempête Alex: la communication de crise d’Eau d’Azur en temps de catastrophe naturelle

Début octobre, la tempête Alex a frappé de nombreuses communes dans les Alpes-Maritimes détruisant la quasi-totalité des villages du Haut Pays Niçois. Les dégâts sont considérables, en particulier pour Eau d’Azur, la régie de la Métropole Nice Côte d’Azur : 15 équipements d’eau potable dont des réservoirs, stations et usines ont été totalement emportés dans les vallées, six points de production dégradés et plus de 25 km de réseaux d’eau ont été entièrement détruits. Une situation qui a nécessité la mobilisation de 150 agents de la régie Eau d’Azur dont le travail colossal a permis de livrer 15.000 litres d’eau en bouteilles dès le lendemain du passage de la tempête, et d’alimenter en eau potable plus de 80% des habitants au réseau d’eau public en moins d’une quinzaine de jours seulement.

 

Outre l’aspect technique, dans la gestion de crise, le rôle d’un service communication est très important : Sandrine Tressel, responsable communication et Philippe De Gregorio, chargé de communication, ont été les premiers interlocuteurs des médias, des usagers et des agents de la régie. Quelques jours après le cœur de la crise, ils reviennent sur leur expérience.

 


 

Comment avez-vous géré cette catastrophe naturelle en termes de communication ?

 

Sandrine Tressel: Nous avons mis de côté nos activités en cours pour nous focaliser à 100% sur la gestion de cette situation. Nous avons pris part à la cellule de crise qui nous a permis de communiquer tout de suite à l’externe notamment sur la distribution des bouteilles d’eau. Plus de 70 tonnes de bouteilles d’eau ont été au total hélitroyées vers les sinistrés du haut pays et 15 000 bouteilles ont déjà été distribuées dès le samedi.

 

Nous sommes un service de communication de trois personnes, aussi nous nous sommes organisés pour nous répartir les tâches. Pour ma part, je me suis consacrée aux relations publiques et en particulier aux médias, qui étaient continuellement en demande de reporting chiffrés, notamment concernant l’état des dégâts. C’était difficile de les alimenter, alors même que nos collègues sur le terrain étaient difficiles à joindre du fait de la disparition des réseaux de communication ou dans le feu de l’action et très peu disponibles. Il a fallu trouver un équilibre, pour avoir suffisamment de matière à transmettre aux médias sans pour autant harceler nos collègues.

 

Nous avons créé un groupe Whatsapp interne avec le service d’exploitation, le service technique et les directeurs, avec lequel nous échangions en temps réel sur le suivi de la crise : cela a permis de partager instantanément les mêmes informations, et de pouvoir nous accorder sur les messages clés. Ces messageries instantanées nous ont énormément facilité la tâche.

 

 

Philippe De Gregorio : De mon côté, je me suis consacré à la communication interne. Eau d’Azur est une entreprise dont les sites sont géographiquement très éloignés les uns des autres. Ce contexte particulier a accru le besoin en communication interne, dont nous n’avions tout d’abord pas entièrement mesuré l’ampleur. L’une des principales difficultés a été de faire face au besoin cruciale de tous les agents de Eau d’Azur d’être tenus informés de ce qui se passait et de ce que faisaient nos équipes.

 

Il a fallu les faire d’abord patienter, le temps que tout soit mis en place, puis nous avons essayé de répondre à leurs attentes en les informant régulièrement par mail et via l’intranet. Nous avons également créé une photothèque dédiée que nous avons actualisée le plus possible, pour partager avec eux en images la situation du terrain. Les routes coupées ont généré des frustrations en limitant les déplacements et la capacité à aller aider sur place. Il a fallu répondre à ce désemparement et les rassurer, en soulignant le rôle qu’ils jouaient à leur niveau, en permettant un maintien des activités malgré la mobilisation exceptionnelle des agents sur le terrain.

 

Comment les relations usagers ont-elles été impactées pendant cette crise ?

 

ST : Nous avons répondu aux questionnements et aux préoccupations des habitants en continu pendant tout le week-end suivant la tempête. Parallèlement au centre d’appel qui répondait aux sollicitations téléphoniques, le service communication a géré les échanges sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook. Les principales inquiétudes des abonnés des zones sinistrées ont concerné la potabilité de l’eau et les conditions pour recevoir des bouteilles d’eau face à la rupture des infrastructures d’eau potable. Nous avons reçu également des messages de la part des habitants du littoral même s’ils avaient été épargnés par les fortes intempéries

 

 

Il sera temps de faire un bilan à moyen terme, mais trois semaines après le passage de la tempête, que retenez-vous de cette expérience de communication de crise ?

 

PdG : Je crois tout d’abord que nous pouvons être assez fiers du travail accompli par tous les collaborateurs d’Eau d’Azur et de son service communication : en dépit des difficultés liées à cette situation exceptionnelle, nous avons réussi à échanger, diffuser des informations et être réactifs en temps réel. En interne, nous avons mesuré toute l’importance de l’accompagnement de l’ensemble des agents, à la fois ceux sur le terrain mais aussi les autres, qui ont besoin de pouvoir être informés et se sentir impliqués. Il ne faut pas les oublier.

 

ST : En période de crise, pouvoir rapidement partager des informations homogènes entre les différents services est primordial. C’est la clé pour pouvoir transmettre une information fiable aux médias et aux institutionnels. Face à l’urgence, le plus difficile est de ne pas réagir trop rapidement et de savoir résister à la pression (notamment médiatique), pour éviter l’émission de messages incohérents ou contradictoires. En cas de crise : il ne faut pas communiquer pour communiquer. Notre principal objectif était de de rassurer le citoyen. Notre rôle était de montrer la capacité de notre entreprise à gérer la situation.

 

Nous avons été profondément marqués par le formidable élan de solidarité de la part de l’ensemble des acteurs, que ce soit nos agents, nos partenaires locaux ou bien encore les membres du réseau France Eau Publique. Nous avons senti une immense volonté d’aider qui débordait, et cela nous a été très précieux dans cette période difficile à gérer émotionnellement. Pour l’instant, la priorité a été donnée à l’organisation des interventions d’urgence sur le terrain, mais à moyen terme, nous ferons appel à cette solidarité pour nous aider à reconstruire.

 

Crédits photos : @Eau d’Azur

 

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